Une vie éphémère
Si l'on vous demandait de définir la théorie de l'évolution en une seule phrase, que répondriez-vous? Que ceux qui qui répondraient "Survie du plus fort" lèvent la main! Examinons le cas concret d'une espèce sauvage pour vérifier la pertinence de cette affirmation.
Il suffit de regarder une seconde le monde vivant pour se rendre compte que la "force" n'est pas forcément un argument de survie. Beaucoup d'espèces ont misé surla dissimulation, la fuite, la ruse. D'autres encore sur l'entraide et la coopération. Et d'ailleurs, quand Darwin parlait de "survival of the fittest", la bonne traduction aurait été "survie du plus adapté", pas du plus "fort". Mais la question que nous allons aborder ici est celle de la "survie". Nous allons voir pourquoi cette notion en particulier ne reflète pas bien les rouages de l'évolution.
Les éphémères sont de petits insectes qui vivent près des cours d'eau. Ils pondent leurs oeufs dans l'eau, où leurs larves se développent. Quand la larve sort de l'eau, au printemps, époque où ce film a été réalisé, elle mue une dernière fois et l'adulte prend son envol. Cet adulte n'a que quelques jours à vivre. Il faut dire que c'est un insecte absolument sans défense, assez facile à repérer, et qu'il a plein de prédateurs : poissons qui l'attrapent dès qu'il touche l'eau, oiseaux insectivores, insectes insectivores (comme les libellules), araignées... L'éphémère ne vole même pas assez bien pour essayer de leur échapper!
La meilleure stratégie, pour lui, c'est donc d'essayer coûte que coûte de se reproduire avant de se faire manger. Et pour cela, il ne faut perdre aucun temps, pas même celui de... manger. S'il ne se fait pas dévorer par un prédateur, il mourra de faim, mais comme de toutes façons, il n'a presque aucune chance de tenir jusque là... Compte-tenu de son mode de vie, si un éphémère mutant venait au monde avec un système digestif fonctionnel et l'instinct de se nourrir, il perdrait simplement un temps precieux à risquer de se faire manger plutôt que de chercher des partenaires pour fabriquer des oeufs.
Cette stratégie montre bien que la notion de "survie" n'est pas si importante. Ce qui compte pour arriver à transmettre ses gènes à la génération suivante, ce n'est pas de survivre le plus longtemps possible, mais de se reproduire le plus possible, quitte à ce que ce soit au détriment de sa durée de vie.
