Communication prédateur-proie

Qu'est-ce qu'une proie peut bien vouloir dire à ses prédateurs? "Ne me mange pas!", pardi! Toute la question est de savoir comment elle peut s'y prendre pour faire passer le message...

La zygène de la filipendule (c'est une plante, la filipendule), est un petit papillon  européen que l'on peut rencontrer jusqu'à 2000 m d'altitude. Comme tous les papillons, il risque de finir sa vie brutalement dans l'estomac d'un lézard ou d'un oiseau, si ce n'est celui d'une libellule ou d'une araignée. Mais... La zygène n'est pas désarmée. À l'inverse de la plupart des autres papillons, elle est très toxique, et si elle est en danger, elle produit un liquide qui contient du cyanure. La couleur rouge des ocelles de ses ailes avertit le prédateur qu'elle est dangereuse.

zygene.JPG
 

On peut comprendre que le système fonctionne si l'aversion pour le rouge est instinctive chez les prédateurs, c'est à dire s'ils naissent en sachant voir la couleur rouge (ça ne risque pas de fonctionner pour les chiens par exemple, qui voient mal le rouge, ou pour la plupart des insectes, qui sont dans le même cas) ET que cette couleur les dégoûte. Si le comportement est génétiquement déterminé, celui qui porte les gènes en question dispose d'un avantage par rapport à celui qui ne les a pas, puisque le second risque de manger une nourriture toxique que le premier aura su éviter. Mais... Et si l'animal est capable de voir le rouge mais qu'il doit apprendre à l'éviter?

zygene2.JPG
 

Être capable d'apprendre, voilà qui donne de bonnes capacités d'adaptation. Si l'animal vit assez longtemps pour que l'environnement change pendant sa durée de vie (ce qui est le cas des oiseaux, par exemple qui vivent plusieurs années et peuvent beaucoup voyager), être capable d'apprendre à trouver de nouvelles sources de nourritures ou éviter de nouveaux dangers est un atout indéniable. Ce sont aussi les gènes qui donnent cette capacité d'adaptation hors du commun (l'apprentissage est un mécanisme neurologique) qui permet une grande plasticité comportementale : si tous les animaux sont capables d'apprendre, tous n'ont pas des capacités de base identiques, même à l'intérieur d'une même espèce (par contre, ce qui est chouette, c'est que les capacités d'apprentissage elles-mêmes peuvent être plastiques, c'est à dire s'améliorer drastiquement avec la pratique - réflexion personnelle, ceci permettrait de ne pas leur consacrer d'énergie si elles ne sont pas nécessaires dans un contexte écologique donné, mais de les mobiliser au besoin).

zygene3.JPG
 

Pour notre zygène, cela pose une question de taille : et si le prédateur n'a jamais vu de zygène, ni d'animal rouge, comment saura-t-il qu'elle est toxique? Et s'il est simplement tué par sa première zygène, à quoi servira le signal pour les autres? Il est courant que le signal rouge ne soit pas seulement associé à la toxicité mais aussi à une odeur ou un goût exécrable (comme les coccinelles qui rejettent un liquide nauséabond). Ainsi, le prédateur qui fait une mauvaise expérience pourra simplement recracher la proie, et éviter les suivantes de la même couleur - même si elles ne sont pas de la même espèce, le signal est fort (on parle d'aposématisme, et ça marche avec le jaune des guêpes ou le blanc de certains papillons) ! Mieux, si les prédateurs sont un minimum sociaux, ou au moins grégaires (ils vivent en groupe, même sans organisation), ils pourront apprendre par imitation (même les mouches sont capables d'apprendre par imitation) à éviter le rouge! Et ainsi, les zygènes seront tranquilles pour un bout de temps, de même que tous les insectes rouges... même s'ils ne sont pas toxiques (le tout est que ces petits menteurs ne soient pas trop fréquents, pour ne pas risquer que les prédateurs naïfs ne les trouve en premier, ce qui ruinerait le processus).

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.