Coopération entre arbres

La forêt semble toujours tranquille. Elle nous apaise, l'immobilité des arbres pousse à l'introspection. Leurs corps de bois semblent avoir toujours été là et la plupart d'entre eux nous survivront, dans une éternelle tranquilité (ou presque). Et pourtant... Si nous pouvions voir l'infiniment petit et percevoir le très lent, nous nous rendrions compte que les arbres ne sont ni immobiles, ni isolés, ni tranquilles.

Car entre certain d'entre eux, c'est la guerre. Tout d'abord, pour les ressources : la lumière est la plus évidente. Chacun y va de son tronc droit, le plus droit et le plus haut possible, pour étaler ses feuilles sur la tête du voisin. Les arbres, comme presque toutes les plantes, utilisent la photosynthèse (sauf les très rares qui l'ont perdue) pour fabriquer du sucre à partir de l'énergie du soleil, du CO2 et de l'eau. Pour construire leur tronc et toutes leurs feuilles, ils ont besoin de beaucoup de soleil. Certaines espèces sont ainsi connues pour se livrer une lutte sans merci : le hêtre qui arrive à pousser à l'ombre dans sa jeunesse supplantera sans peine les chênes en leur contruisant un bon parasol de leur feuillage.

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Donc, ils peuvent se faire la guerre. Mais peuvent-ils aussi coopérer? Oui. C'est ce qu'a montré la chercheuse Suzanne Simard, au Canada, les arbres peuvent, via leurs racines, s'échanger des nutriments (sa conférence Ted explique par le menu les experiences qu'elle a menées). Via leurs racines, donc, mais avec l'aide des champignons, dont le mycélium va former, avec les racines des plantes, ce que l'on nomme mycorhize: une subtile association qui va permettre au champi et à la plante de faire des échanges. Ainsi, dans votre jardin, un arbre qui vit associé avec un champignon sera-t-il en bien meilleure santé qu'un autre qui n'y est pas associé (attention, on ne parle pas des champignons parasites!). Le champignon donne des molécules azotées à l'arbre qui fournit le sucre qu'il produit avec la photosynthèse.

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Et ce que Suzanne Simard a montré, c'est que des arbres liés par mycorhizes peuvent échanger, entre eux, des molécules carbonées. Davantage s'ils sont de la même espèce, et pas avec toutes les espèces. L'évolution de ce système de symbiose, ou de mutualisme (puisque les arbres peuvent aussi vivre sans, mais moins bien) a permis aux individus participant à ce système de bénéficier pendant leur croissance d'avantages en termes de ressources mais aussi de bénéficier de messages chimiques utiles en cas d'arrivée de ravageurs.
Les forêts ne sont donc absolument pas des alignements d'arbres isolés et tranquilles, mais des communautés d'individus qui s'affrontent, coopèrent, échangent, un réseau d'une grande complexité qui a besoin d'être protégé dans son entièreté là où elle est intacte. Il serait également souhaitable que dans l'exploitation de nos forêts et cultures, cette structure soit respectée et que l'on cesse de planter des alignements de pins aussi riches et diversifiées qu'une plantation de maïs, au profit de cultures multispecifiques qui seront de surcroît beaucoup plus saines et aptes à résister aux ravageurs.

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